80'000 chassepots aux Verrières

Derrière ce titre, un événement historique: la retraite et l'internement de près de 80'000 soldats français repoussés par les allemands en Suisse en 1871.

Celle qu'on a appelé l'armée des Bourbakis est entrée en février 1871 en Suisse pour y trouver refuge. En 48 heures, ces 80'000 hommes équivalant aux 3% de la population suisse résidente doivent être répartis sur tout le pays pour être soignés, logés et nourris, à une époque difficile.

Cette armée n'a pas été faite prisonnière mais a été mise au statut d'armée internée. Toutes les armes - portatives et artillerie - ainsi que les près de 11'000 chevaux entrés aux Verrières, frontière nord aux environs de Belfort, ont été restitués à la France lorsque les soldats sont rentrés chez eux, après env. 6 semaines d'internement. La France avait demandé "la facture" et avait payé les 12 mio de frais d'internement à la Suisse.

Cet événement dramatique a été immortalisé sur une peinture panoramique de 112m de long et de 10m de haut qu'on peut voir à Lucerne  http://bourbakipanorama.ch/fr/index.html.

Renforcé par des décors 3D, l'impression est saisissante. Je ne vous cache pas l'émotion que j'ai ressentie samedi dernier en le visitant, pourtant pour la 3ème fois.

Ici, l'immense colonne des soldats qui entrent et déposent leur arme, essentiellement des chassepots.





Dans ma ville, plusieurs milliers de français ont été internés. L'hôpital qui en a accueilli, a par la ensuite, sur proposition de la France, institué "la chambre des français". C'était une chambre qui pouvait être mise à disposition de ressortissants français ayant besoin de soins, gratuitement, son financement était garanti par la France.

J'avais rencontré il y 25 ans un français, au milieu de l'Auvergne, qui avait pu en bénéficier. Une rencontre forte... j'avais ressenti un lien particulier avec cette personne.

Malheureusement, l'hôpital a été fermé et la France a cessé son financement.  

Magnifique peinture et une belle leçon d'hospitalité.

 

Peu calé sur la guerre 1870/1871 je ne connaissait pas cette page de notre histoire.
Merci à toi Thierry que nous la rappeler.

    

Un bon ami à moi possède également une peinture sur ce fait là.

Biensûr, elle ne fait pas 112m de long 

Il faut savoir que cette année là l'hiver était particulièrement rigoureux, neiges et gelées terribles accompagnaient cette armée en replis et pas en déroute. Les hommes passaient la frontière dans un état sanitaire catastrophique.
Quand aux armes, le château- arsenal de Morges à été en parti détruit par l'explosion de cartouches de chassepot stockées suite à ce désarmement.
De biens durs moments que l'histoire de France et l'école de la république passent volontairement sous silence.

 

merci à nos voisins SUISSE.

Les derniers combats sérieux avaient eu lieu devant Belfort, par une température de - 24°. Les soldats de Bourbaki étaient trop légèrement équipés et à bout de ressources : ils avaient percé très profondément les lignes prussiennes, et tous les rendez-vous de ravitaillement avaient avorté. Les prussiens ont bien vu le coup, et se sont ingéniés à les fatiguer par des combats inutiles, souvent victorieux mais épuisants et gaspillant les approvisionnements.
Au dernier moment, il ne fut possible d'établir aucune liaison entre Belfort et l'Armée de l'Est. La place n'a donc pas pu leur signaler que les troupes d'encerclement prussiennes commençaient à décrocher, et qu'il fallait percer au nord, très dégarni. Alors que Bourbaki tentait de forcer le passage au centre...
De Belfort on entendait bien le canon, et ordre fut donné d'encourager l'armée de libération en faisant feu de toutes pièces, éventuellement à blanc pour économiser les obus, afin de signaler que la place tenait toujours...
Losque le canon de la bataille de la Lizaine diminua d'intensité, et se tut, l'espoir insensé s'éteignit...
En fait, si Belfort était encore bien pourvu en vivres et munitions, c'était à l'échelle de sa garnison (environ 15 000 hommes) ; s'il avait fallu ravitailler autant d'hommes ça n'aurait pas duré longtemps. Quant à espérer repartir de Belfort pour foncer sur Berlin...

Bourbaki n'ayant plus les moyens de soutenir un combat d'envergure, ni même de regagner ses lignes, il préféra mettre ses hommes et son matériel à l'abri en Suisse.
Et se suicida ; enfin il essaya, car ça aussi, il le rata.

Quant aux suisses, l'accueil de l'Armée Bourbaki ne fut pas leur seule action : au début des hostilités ils avaient déjà proposé d'héberger un maximum de belfortains, puis durant le siège ils avaient négocié avec l'assiégeant pour faire sortir des convois de civils.

 

Merci pour ce sujet et infos intéressants et peu connus !

De Bourbaki, je ne connaissais que l'expression un peu péjorative "... comme l'armée à Bourbaki" qui était encore souvent utilisée dans nos montagnes quand j'étais gamin pour désigner un groupe hétérogène un peu dans la débine   

Contredisez moi si je dis une bêtise mais je crois que parmi les rares munitions pour mitrailleuse de Reffye survivantes
une bonne part provient de cet épisode de mise bas les armes.

Il faut peut être préciser que cette peinture est un Panorama. C'est ce qui se faisait de plus élaboré à une certaine époque pour plonger
les spectateurs dans un spectacle immersif bien que statique. L'inconvénient c'est que chacun d'eux ne pouvait présenter qu'un seul évènement
ou paysage mais c'était suffisamment spectaculaire et sans équivalent en terme de spectacle grand public pour avoir du succès.

Pour en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Panorama

Dominique a écrit:Contredisez moi si je dis une bêtise mais je crois que parmi les rares munitions pour mitrailleuse de Reffye survivantes
une bonne part provient de cet épisode de mise bas les armes.

raconte nous !

WICHITA a écrit:
raconte nous !

Début des années '80 à plusieurs reprises j'en avais vu des exemplaires proposés par des collectionneurs sur des bourses "spécialisées" voire "privées"
et lorsque je m'étais étonné de leur provenance on m'avait raconté cette histoire. J'imagine qu'un "gisement" avait refait surface.
De même que certaines armes typiquement US époque guerre de sécession se sont retrouvées en France vers 1870 en raison des évènements
qui les ont fait importer ce qui sans avoir connaissance de ces faits peut paraître étrange.

Magnifique !

Si je passe par Lucerne, je ne manquerai pas de visiter !

Le seul panorama que j'ai eu l'occasion de voir est celui de la bataille de Borodino, à Moscou, grandiose itou ...!

A+

Je ne connais que le Panorama Mesdag qui est à La Haye.
L’intérêt de ce dernier c'est qu'a été conservé et reste exposée en son centre la "cabine" qui a servi à effectuer les relevés sur des plaques de verre
et à les retranscrire "projetés" . On la devine sur cette vue copiée sur Wiki

Dominique a écrit:Contredisez moi si je dis une bêtise mais je crois que parmi les rares munitions pour mitrailleuse de Reffye survivantes
une bonne part provient de cet épisode de mise bas les armes.

Je sais pas trop... Il a pu s'en "perdre" pas mal au fil des années, les canons à balles de Reffye n'ayant été retirés du service que vers 1905. EH OUI !
Ils furent alors remplacés (dans les coffres et caponnières des forts de seconde ligne) par des canons-révolver de 37 mm dont la Marine se débarassait (devenus trop peu puissants contre les blindages des torpilleurs), car on ne voulait pas re-fabriquer des canons révolver de 40 mm.
D'ailleurs la cartouche multiballes (3 balles empilées) n'existait pas en 1870, ce me semble (destinée à pallier au plus gros défaut du canon à balles dans l'usage du flanquement : trop puissant et trop précis).

Et pour compléter ce sujet, quelques photos d'un monument aux morts, situé à Estavayer-le-Lac, canton de Fribourg, rappelant le sacrifice des soldats morts pour la France durant leur internement en 1871. 
Il est émouvant que des villes de Suisse conservent ces monuments et j'espère qu'il en sera encore longtemps ainsi.

j'habite à 15 min d'esta et j'ai jamais vu ça. il est ou?


t'aurais du me faire signe de ta visite. serais volontiers venu 

Stalingrad0243 a écrit:j'habite à 15 min d'esta et j'ai jamais vu ça. il est ou?


t'aurais du me faire signe de ta visite. serais volontiers venu 

Au cimetière d'Estavayer, au bord de la route, tout simplement   

Bin, si je dois y repasser, je te fais signe

Baccardi a écrit:Et pour compléter ce sujet, quelques photos d'un monument aux morts, situé à Estavayer-le-Lac, canton de Fribourg, rappelant le sacrifice des soldats morts pour la France durant leur internement en 1871. 
Il est émouvant que des villes de Suisse conservent ces monuments et j'espère qu'il en sera encore longtemps ainsi.

Je l'espère aussi quand on voit ce que deviennent certains de ses monuments on va dire en Europe.
En tous cas merci pour ce post je ne connaissais pas l'existence de la fresque de Lucerne j'irai la voir tôt ou tard.

  

hello tous !il y a le même monument a Yverdon aussi, de nombreux internés y ont étés hébergés ,soignés, et certains y sont décédés mais le plus grand nombre a pu rentrer au pays après la fin des hostilités! 

Je dois trouver un moyen d'utiliser cette image sur mon site. Il est très puissant, et a beaucoup de sens. Avez-vous le titre d'un livre qui traite de la peinture de l'image?

Hello VirdeaDeux    

Malheureusement, je n'ai pas de livre, mais commencez par ici http://bourbakipanorama.ch/en/index.html  

Les détails explicatifs sur l'histoire de la "réduction" de la hauteur de la peinture sont intéressants..
De même que les explications sur l'ajout d'un premier plan qui en se fondant avec le fond peint participe à l'illusion.
En ouvrant ce lien : http://www.panoramafotos.ch/images2/fullscreen/bourbaki/index.html on peut voir que si la représentation des armes déposées en tas est assez homogène
en revanche les armes de premier plan sont beaucoup plus disparates; pour le coup le chassepot n'y est pas majoritairement représenté

Dominique a écrit:Les détails explicatifs sur l'histoire de la "réduction" de la hauteur de la peinture sont intéressants..
De même que les explications sur l'ajout d'un premier plan qui en se fondant avec le fond peint participe à l'illusion.
En ouvrant ce lien : http://www.panoramafotos.ch/images2/fullscreen/bourbaki/index.html on peut voir que si la représentation des armes déposées en tas est assez homogène
en revanche les armes de premier plan sont beaucoup plus disparates; pour le coup le chassepot n'y est pas majoritairement représenté

L'artiste a pris beaucoup de libertés par rapport à la vérité historique: armes françaises, uniformes et armes suisses (les uniformes sont entrés en service près de 20 ans plus tard), représentation du général suisse sur place (il n'y a semble-t-il pas mis les pieds), etc.  

Artistes rarement des choses correctes. La peinture représente bien une merveilleuse intégration des armes françaises, est un chef-d'œuvre artistique (en utilisant l'avant-plan) et montre un moment historique qui est important et honnête. 

claggettwilson.com/img/greatwar/wp_08.jpg

Cette image est par Claggett Wilson, un soldat américain de la Grande Guerre. Il a peint beaucoup de choses de la mémoire, mais ne concernait pas obtenir tout correct. Il racontait une histoire et je voulais que l'histoire ait un sens plutôt que sur les détails exacts.

Thank you for introducing me to this painting.

Steve

Bis Repetita Placent!
je me suis laissé dire que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nos amis du Jura et de Neuchatel avaient "récupéré"
en 1940 pas mas de fusils MAS36 et de Mousquetons 92, déposés par des soldats Français poussés vers la frontière par l'avance Allemande.
Par contre, je n'en ai pas vu...